Exemplaire dédicacé à Youdina par Stravinsky des Dialogues avec Craft [Stravinsky : Gespräche mit Robert Craft, Zürich, Atlantis Verlag, 1961])

(Archives Yakov Nazarov, avec sa permission)

 

"À la très chère Maria Valentinovna [sic] Youdina, avec mon très grand regret de ne pas l'avoir rencontrée à Helsinki. J'aurais tant voulu. Votre I. Stravinsky. Zurich, 15 octobre 1961"

 

Souvtchinsky à Youdina, 5 février 1962: "Ne lui en veuillez pas si par inadvertance il a écrit "Valentinovna". Si vous saviez combien il est sollicité de tous côtés! Je ne pourrais pas survivre une seule journée dans des conditions pareilles! Et de surcroît il compose tout le temps…"

 

(Correspondance Youdina-Souvtchinsky, Contrechamps, p. 398. Concernant les circonstances de ce rendez-vous manqué voir également pp. 337-340)

 

 

"À M. V. Youdina, souvenir d'Igor Stravinsky.

Paris, 1959"

 

(Archives Yakov Nazarov, avec sa permission)

 

"J'ai reçu la photographie de Stravinsky destinée à l'auteur de la lettre naïvo-stupide [la lettre surréaliste adressée à Stravinsky par un étudiant de Tachkent, musicien amateur – voir pp. 262 et 263], mais je ne l'ai pas encore expédiée, car il me faut encore y joindre un mot!! Je le fais maintenant! Quant à moi, je suis extrêmement dépourvue de photos représentant I. F.; sur la seule que je possède, bien qu'il soit en répétition, il n'est pas particulièrement représenté "en beau*"; il y en a de bien meilleures, et je vais les lui demander!!" [livre p. 303]

 

À l'issue de la visite en URSS de Stravinsky, automne 1962

 

Photo dédicacée à Youdina par Igor Stravinsky et Robert Craft (Archives Yakov Nazarov, avec sa permission)

 

"À la chère, très chère M. V. Youdina, à une très prochaine fois, avec les embrassades d'Igor Stravinsky

11 octobre 1962, Moscou. 

À Mme* Youdina this souvenir of my rehearsal in Venice – with love, Robert"

 

Ne serait-ce que cette photo dédicacée à la pianiste à la fin du séjour en URSS de Stravinsky ou le petit mot que celui-ci envoie à Youdina le 19 février 1964 (livre p. 600), les documents à disposition infirment totalement la rumeur selon laquelle le compositeur, offusqué par une interview donnée par Youdina à des journalistes américains, aurait coupé toutes relations avec elle par la suite [incident évoqué notamment par le compositeur Karen Khatchatourian – neveu d'Aram – voir p. 478 du livre] . Cette information erronée se trouve malheureusement relayée par une autre figure tutélaire – et toute aussi légendaire – de la défense de la musique contemporaine en URSS, le compositeur  Philip Herschkowitz, élève de Berg et Webern, qui réside à Moscou de 1946 à 1987 – il est celui qui transmettra à toute une génération de compositeurs (E. Denisov, D. Smirnov, S. Goubaïdoulina, A. Schnittke, L. Hofmann et beaucoup d'autres) et d'interprètes (E. Leonskaïa, N. Gutman, A. Lioubimov...) une tradition d'analyse (en particulier de l'œuvre de Beethoven) héritée de Webern. Ainsi déclare-t-il à Anatoli Kouznetsov le 20 janvier 1981 [Vspominaja Judinu, Moskva, Klassika-XXI, 2005, pp. 198 et 199]: 

 

"[...] J'ai toujours considéré que ce qu'elle faisait relevait de la pose. Une pose qui lui faisait agir de façon inconsidérée.  Savez-vous comment elle s'est conduite avec Stravinsky lorsqu'il est venu? Lui-même a cessé de lui écrire par la suite, parce qu'elle avait donné une interview à son sujet à des journalistes américains. Ils n'arrêtaient pas de tourner autour de Stravinsky et ont fini par se rabattre sur elle. Elle leur a confié certaines choses que les journaux se sont empressés de publier et lui, dès qu'il en prit connaissance, ne voulut plus rien avoir à faire avec elle." [plus loin il ajoutera: "Elle lisait des vers de Pasternak entre les morceaux de musique. Je ne vois pas dans quel but... Savez-vous qui aujourd'hui lit des vers [pendant ses récitals]?... Vous ne savez pas? Pollini. Il lit du Mao Tsé-Toung [sic]... ]

 

La suite de ce témoignage est intéressante à plus d'un titre et constitue une excellente transition vers le document suivant:

 

"En quelle année Boulez est-il venu [en URSS]? (...) Il faisait froid. Denisov a invité Boulez chez lui. À moi, il me dit: "il faut inviter Maria Veniaminovna". Je ne voyais pas en quoi, mais c'était son souhait et il l'a appelée. Elle a accepté. Et voilà qu'elle arrive – en baskets, vêtue d'un imperméable gris de rien du tout, alors que dehors il gelait. Était-ce bien nécessaire? Elle ne parlait pas français. Volkonski traduisait, il était venu lui aussi. À part Boulez étaient présents ce soir-là Denisov, Volkonski, moi, Maria Veniaminovna et [Igor] Blajkov. Lorsque Boulez est parti – il devait se hâter quelque part et il est parti plus tôt – nous nous sommes retrouvés à cinq..." [conversation avec Anatoli Kouznetsov le 20 janvier 1981, op. cit.]

 

11 janvier 1967: Pierre Boulez, en tournée à Moscou, est invité dans l'appartement d'Edison Denisov. Youdina et Boulez, en relation épistolaire plus ou moins espacée depuis fin 1959, s'y rencontrent pour la première fois "de visu" . Occasion d'un échange réciproque de "billets" (Correspondance Youdina-Souvtchinsky, p. 653).

 

Voici la teneur, emblématique de l'exigence de la pianiste, du billet – rédigé en allemand – transmis ce soir-là à Boulez, abandonné par lui sur place, récupéré puis annoté plus tard par la pianiste:

 

"Billet à Pierre Boulez" 

 

À vous, très respecté artiste et maître et si aimable personne!

 Je ne sais si ma question sera intelligible sur un si petit billet:

 

– "La Musique Nouvelle" ne se trouve-t-elle pas encore au stade du développement. Car ce qu'il y a en elle de plus beau, ce ne sont encore que des fragments, des "débris" et ainsi de suite... Après "Moïse et Aaron", après le "Sacre" – où est actuellement la conception, où est "l'univers" (comme dans les Passions)? Je ne parle pas d'Olivier Messiaen, de Martinů et des autres... je parle de la véritable musique nouvelle.

Où se trouve, pour ainsi dire, son Credo spirituel?

 

[Commentaire de Maria Youdina écrit en 1968:] 

Cela signifie donc que ses œuvres à lui, Boulez, son "Marteau sans maître" ou ses "Poésies sur des textes de Mallarmé",  je ne pouvais et ne peux toujours pas les considérer comme étant pleinement significatives d'un point de vue spirituel...

Voici donc le billet que j'ai transmis à Pierre Boulez au cours de la soirée donnée en son honneur chez Edison Denisov... En réponse, il a esquissé un sourire "conciliant" et a acquiescé d'un hochement de tête... Il n'a pas emporté le billet avec lui, mais sans que cela n'ait été dans ses intentions je présume; cela s'est fait dans la précipitation générale des adieux. 

 

(De gauche à droite: Youdina, Boulez, Denisov – photo publiée dans le livre d'Anatoli Kouznetsov Пламенеющее сердце, М.В.Ю в воспоминаниях современников, Москва 2009 [Cœur ardent, Maria Youdina – souvenirs de contemporains]. Selon Kouznetsov c'est le compositeur Igor Blajkov qui aurait pris la photo)

 

 

Pierre Boulez et Edison Denisov, photo prise le même soir, reproduite en page 76 du livre

(Archives Yakov Nazarov, avec sa permission)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Igor Stravinsky et Robert Craft, avec dédicace de Craft à Youdina:

 

"To Maria Yudina, with highest hopes"

 

(Archives Yakov Nazarov, avec sa permission)